Un voyage à la Barbade
Comme dans presque toutes les îles des Antilles, la Barbade possède une bière de bonne qualité, la Banks. Mais le rhum, c’est une véritable institution. La distillerie Mount Gay, forte de ses trois cents ans d’histoire, produit certaines des étiquettes les plus populaires de rhum blanc et de rhum ambré, ainsi que la version raffinée et ultra-premium extra old. Personnellement, je préfère le Old Brigand”, confie le propriétaire de l’Ackee Tree Bar, un cube de planches de bois et un toit ondulé peint en bleu et jaune canari. Dehors, un grand ackee, dressé comme une sentinelle sur le bord de la route de Richmond à Belleplaine, répand l’ombre de son grand parapluie de feuilles. À l’intérieur, c’est comme un emporium alimentaire à l’ancienne, avec des étagères où l’on trouve un peu de tout. Les bouteilles de rhum, en revanche, sont soigneusement alignées sur les étagères du mur du fond. L’Ackee Tree Bar n’est pas une épicerie, c’est une rum shop. Et des établissements comme celui-ci, il doit y en avoir au moins mille autres sur toute l’île. Une partie importante de la vie à la Barbade se déroule dans la rum shop: on y vient pour boire, pour jouer aux dominos, pour regarder les matchs de cricket, pour parler de sport, de politique, du voisin qui est mort ou de celui qui vient d’avoir un bébé.Nous nous adaptons à l’endroit avec une flasque du rhum qui nous a été recommandé. À l’Ackee Tree Bar, comme dans la plupart des véritables rum shop de la Barbade, on ne sert pas de boissons en vrac ni même de rum punch, cette bombe sirupeuse et colorée que les touristes aiment tant. Ici, vous faites tout vous-même: vous achetez la bouteille de rhum et, si vous le souhaitez, la boisson non alcoolisée pour la diluer, un soda par exemple, ou un jus de fruit, un coca, un sprite. Le bar vous fournit un gobelet en plastique, un bol de glace et un citron vert. Ce que tu ne peux pas boire, tu le prends.Après le deuxième verre, la conversation prend des accents familiers. Un autre client se joint à eux et, comme par magie, une soupe de poisson salée et parfumée apparaît. Goûtez-le. Il est accompagné d’une polenta sucrée faite à partir du fruit de l’arbre à pain. Le plat est délicieux, et ce fut une agréable surprise de se le voir offrir, comme si nous étions de vieux amis. Comment vit-on à la Barbade ? Selon eux, cette île est un endroit heureux. Un système politique démocratique viable grâce à une forte participation sociale, un faible taux de criminalité, un taux d’alphabétisation de plus de 97 %, un enseignement primaire et secondaire et des services de santé gratuits, un système de retraite efficace. Possible ? L’homme en face de nous sourit, il vient de prendre sa retraite. Il a soixante ans et en paraît vingt de moins. Qui sait, c’est peut-être vrai que la vie est douce à la Barbade…Nous sortons de larum shop et essayons de faire la tare, les Bajanais ont une forte fierté nationale et n’aiment pas dire du mal de leur pays. Mais chaque jardin a son serpent.Le premier impact avec l’île nous avait donné l’impression d’un lieu surpeuplé, en proie à une frénésie de construction incontrôlée. Dans les quartiers du sud-est, des maisons en béton ou en bois, de type chattel house, forment des grappes sans queue ni tête, jaillissant sur un terrain stérile, à l’aspect négligé. Mais ce qui est le plus inquiétant, c’est la quantité de détritus, de plastique et d’ordures abandonnés au coin des rues, sur les sentiers et sur les plages peu fréquentées. La faute aux mauvaises habitudes des habitants certes, mais aussi en partie aux courants, qui transportent les déchets d’un continent à l’autre. Welchman Hall Gully